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Conscience - Half-Sick Of Shadows

Une chronique fleuve pour un disque fleuve. L’album de metal prog nous emporte dans un petit monde qu’on explore de la source où il jaillit à l’estuaire où il se perd, en passant par des cascades majestueuses et des périodes parfois monotones et trop tranquilles. On entre dans le monde par la piste d’ouverture, on en ressort par la piste finale, et au milieu il se développe.

S’il y avait bien un instrument qui, des groupes progressifs « classiques » aux groupes actuels, semblait voué à une lente disparition, c’était bien le clavier. Pourtant, dans les années 60 et 70, c’était une clé de voûte de la musique prog : voyez les Doors, Genesis, UK, ELP… La première chose donc qui m’a fait plaisir dans le metal prog de Conscience, c’est le retour du clavier et du piano à une place d’honneur.
Les magnifiques ambiances de claviers et samples se multiplient. Par moment le piano est proprement envoûtant, hypnotique, planant.

Le morceau le plus abouti, je pense, et le plus accrocheur est Through Our Windows. C’est une musique très riche, bien construite.

Ensuite Conscience expose fièrement ses trois voix dans Different Gravity. Ce changement continu de voix donne un effet étrange, mais pas désagréable. Petit défaut sans importance, on reconnaît par moment un bon accent bien français dans ses paroles en anglais, mais enfin il faut savoir planter les choux à la mode de chez soi.

Vrai problème par contre, le morceau The Cycle, sent très fort le Pain of Salvation. L’inspiration dépasse un peu ses limites, mais c’est l’un des rares moments (le seul) où j’ai noté cela.

Il y a une dimension poétique dans les paroles et même dans la musique.
« Subjected to the same laws as everybody :
Same planet, and yet different gravity »
Consicence semble reprendre les poèmes de Nicolas Moulard, que je ne connais d’ailleurs pas du tout. Mais la dimension émotionnelle est énorme.

Globalement la technique est parfaite. Chapeau bas au claviériste et aux gratteux. Petit bémol pour la batterie qui rend un peu moins bien que le reste. Peut-être simplement une question d’enregistrement. Mais comme il s’agit d’une auto-production, rien à redire.

Mais cela reste un peu trop carré dans l’ensemble, pas assez surprenant. Tout l’album s’inscrit dans une même ambiance, une même pensée générale, un même rythme. Cela manque d’une détonation, d’un décrochage, d’une rupture apparente. La musique progressive a toujours reposé que un alliage de choses contradictoires : faire des arpèges sans rythme à partir d’une gamme de country. Faire surgir brutalement l’humour dans l’humer, la joie éclatante dans la tristesse profonde. Dommage qu’on ne trouve pas assez cette dimension dans Half-Sick Of Shadows. Ils le font déjà, mais pas encore suffisamment je pense.
On peut parler des mêmes choses avec humour noir comme avec horreur, mais l’utilisation des deux permet d’éviter que les morceaux paraissent trop longs ou de ressentir une impression de répétition d’une piste à l’autre. Half-Sick Of Shadows est alambiqué certes, c’est techniquement parfait, mais ça ne fait pas tout.

Le potentiel de Conscience est énorme, l’énergie est débordante et ils vont déjà très très loin. Le chemin parcouru est gigantesque, mais pour atteindre les sommets il leur reste à se doter d’une véritable personnalité.
La musique progressive comporte toujours une certaine excentricité, certes limitée, des éclairs de folie, qui donnent un côté débridé. Bref mon conseil à Conscience, qui vaut ce qu’il vaut évidemment : lâchez-vous !


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Oui j’ai « conscience » que je me suis laissé complètement emporter dans cette chronique. Mon analyse a viré à de la théorie métaphysique musicale. Mais bon.
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