ZONEMETAL

[Schakal]

Avant goût de 2012


Si Outcast (1997) avait déjà montré un Kreator différent, plus fin et plus mâture, que dire de ce Endorama ? Pour faire simple, ceux qui ont lâché le groupe après le monstrueux Coma Of Souls (1990) auront l'impression de découvrir une autre formation, très différente de ce qu'est à la base ce grand du thrash, peut-être même ne la reconnaîtraient-ils pas.

En effet, Endorama est un exercice de style. Pour caricaturer, on peut dire que c'est leur Load ou leur One Second à eux. Pour une fois, Kreator ne fait pas office de papier abrasif pour les trompes d'Eustache. Le groupe, sous l'impulsion de l'ex Coroner Tommy Vetterli dont l'influence se fait de plus en plus présente, sort de son carcan et lisse sa musique, il la rend abordable sans être facile d'accès pour autant. Usant souvent de technologie, les teutons se drape d'une fine trame industrielle sur fond de heavy metal sombre, mâtiné de punk pour la virulence de certains passages. De thrash, il n'en est pas question un seul instant, la musique de ne se veut jamais saccadée, la batterie n'est jamais syncopée.

Histoire d'enfoncer le clou, Mille Petrozza se fait suivre par un coach pour son chant, ici bien plus mélodique et soignée... au point d'être parfois méconnaissable. Si l'on prend en exemple le titre éponyme, en duo avec Tilo Wolff de Lacrimosa (association des plus surprenantes tant les deux formations ont des discours opposés), on est en effet étonné que ce soit Tilo et non Mille qui s'écarte de la mélodie vocale pour être plus sec, plus angoissant. On remarquera aussi un Chosen Few entre le calme et la tempête, nimbé d'une aura glaciale, qui ne manquera pas de surprendre.

Déroutant de bout en bout, ce Endorama est en fait une véritable mine, chargé de pépites, à condition de le dissocier du nom de Kreator. Car dans l'esprit collectif, Kreator est une véritable machine de guerre, dédiée à la puissance brute, sale dans sa violence. Le découvrir aussi soigné, propre sur lui et même raffiné a quelque chose de surréaliste. Cependant, les diverses compositions fonctionnent bien, en s'adoucissant la formation ne perd pas sa capacité à écrire de bons refrains qui fonctionnent bien, elle conserve son sens du riff qui reste en tête, capable de se faire cruel et virulent (Shadowland, Soul Eraser...).

Peut-on considérer cet album comme mauvais ? Non, certainement pas, même s'il déroge clairement de la ligne de conduite classique de Kreator. Le groupe déboussolera complètement les fans, mais faut-il les fustiger pour cela ? Pour l'envie de faire un disque différent, qui correspondait à une époque, qui correspondait à une envie ? Ce serait revenir au débat qui entoure les albums de Metallica et de Paradise Lost cités plus haut. Les tenants et les aboutissants restent un mystère, cependant, l'effort est louable et le disque est peut-être bien l'un des meilleurs du groupe. A voir.


Note indicative : 8.5/10
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Je ne vous tuerai pas, mais rien ne m'oblige à vous sauver la vie.